Biographie
Née le 5 juin 1926, à Saint Germain en Laye Eliane Thiollier entre, contre l’avis de son père architecte, à l’Ecole nationale supérieure des Beaux arts de Paris en 1946 dans l’atelier Jaudon, le maître de la lithographie. Dès 1947, son travail est sélectionné pour être accroché à cimaise au « Salon des moins de 30 ans.» Un salon créé par Virginie Bianchini, une très jeune femme qui fréquentait la Grande Chaumière et l’atelier de Mac Avoy : « aucune exposition n’avait jamais existé pour les jeunes, je voulais accueillir les artistes qui avaient le même goût du métier», expliquera-t-elle. Elle le lance en 1941, il durera jusqu’en 1948.
Pour la première fois une œuvre du jeune peintre Thiollier (c’est ainsi qu’elle signe) « Quai de la Seine » est accrochée à une cimaise en dehors de l’Ecole des Beaux arts. Elle est acquise par un collecteur lillois et citée dans le journal « Arts », la bible de l’époque. C’est un paysage d’hiver austère. « Assez raide et désolé, avec des arbres sans feuilles, les branches comme des bras tendus vers le ciel jaune, ocre, gris et noir » » dira le peintre. A l’époque elle peint des natures mortes très structurées aux couleurs sombres. Puis elle va découvrir la Provence et sa lumière. Une lumière crue, des tons chauds qui lui font changer de palette. Elle installe son chevalet dans un vieux village provençal presque à l’abandon : Peillon. Elle participera à sa renaissance en aidant à sa reconstruction.
En 1950, elle est sélectionnée pour le Prix des Viking. Dès 1951, elle est invitée au Salon de la jeune Peinture, qui a alors lieu au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. En 1957, elle y sera nommée secrétaire générale. Le Salon de la jeune peinture est celui de la nouvelle génération figurative, il s’inscrit dans la continuité de celui des moins de Trente ans. Faire partie d’un Salon est à cette époque un vrai signe de reconnaissance et le Salon est une véritable pépinière de talents. Elle se lie d’amitié avec Paul Reyberolle, Bernard Buffet, Michel de Galard, Raymond Guerrier, Claude Weisbuch… Elle tient la barre jusqu’en 1964 en essayant de maintenir un juste équilibre entre divers groupes, refusant d’entrer dans le jeu des polémiques, évitant les débats idéologiques se transformant en débats politiques, pour garder l’indépendance. Un groupuscule fortement politisé réussira à en prendre le contrôle. Elle quitte le Salon de la jeune peinture en 1964.
Elle a trouvé un atelier dans le Marais, au 23, rue Vieille du Temple, au fond d’une cour. C’est là que les galeristes viennent lui demander de faire partir de leur « écurie ». Ce sera en 1954 la Galerie Pascaud pour sa première exposition particulière, puis la galerie Suillerot. Ses expositions se multiplient, à Paris, en France, en Europe. Elle fait partie en 1955 : exposition itinérante de la Jeune Peinture Française en Allemagne. Elle reçoit de multiples prix : Prix du Club du Tableau décerné par les critiques d’Art, Prix du salon International de Vichy, Prix de la Société des Amateurs d’Art…
Après la Provence et ses villages écrasés de chaleur, elle fait halte en Camargue, avec ses chevaux sauvages et ses taureaux impétueux, captant la magie d’une nature encore vierge. En 1962, au Salon International de la peinture taurine à Nîmes, elle recevra le Grand Prix de la peinture taurine. A cette époque elle commence ses voyages. D’abord en Espagne, un pays qui allie la lumière qu’elle sait si bien maîtriser dans ses toiles et le thème de la tauromachie. Ce sera la série des courses de taureaux, en Andalousie, au Pays Basque.
Les galeries étrangères s’intéressent à ce peintre lumineux, à la construction solide. Elle a 36 ans. Ce sera en Suisse, la galerie Wolfsberg à Zurich, la Galerie 5 à Genève, la Galerie Waas, à Vaduz au Liechtenstein. En France, en province, à Paris, les expositions se succèdent. Les distinctions aussi. Prix des peintres nantais, Grand Prix de la Ville de Nîmes … Elle entre dans de nombreuses collections d’amateurs d’art.
Eliane Thiollier reprend ses voyages pour élargir ses champs d’études. Le Maroc, en 1967, où elle va s’intéresser aux marchés et aux souks. Elle ajoute à sa palette ocre et rouge, la touche de bleue si typique des tenues des artisans et du petit peuple de la rue. Elle approfondit, année après année, cette authenticité qu’elle trouve dans la vie simple des petites gens, et que sa peinture sait si bien transmettre. Aux Etats-Unis, au Canada, au Japon, elle est invitée dans les Grandes Expositions de la Peinture française. En 1970, elle rejoint un salon qui fait référence : Les Peintres témoins de leur temps, qui se tient alors au musée Galliera à Paris. Un Salon créé en 1951 pour « réunir les artistes français et étrangers et exposer leurs témoignages plastiques sur les hommes et leur temps ».
Elle repart en 1971 pour un long voyage au Mexique. Son but est de découvrir les hauts plateaux et des grands marchés indiens. Elle rapporte des dessins, des aquarelles. L’observatrice va créer à son retour sa série de peintures d’indiennes aux attitudes immuables, aux tons profonds, dans lequel passe un souffle intemporel. En 1971, le Musée allemand Fulda lui achètera un de ses Mexique. Le Kenya et la Tanzanie seront les destinations suivantes. Là encore c’est l’authenticité des bergers masaï qui la séduit. Sa suite africaine aux rouges vifs et aux bruns denses prolonge la même quête : montrer la vie des hommes simples et faire partager leur vérité.
En 1976, elle acquiert en Guyenne une ancienne maison typique avec une ferme, un pigeonnier et un four à prunes, située en pleine campagne, entourée de vergers et d’herbage, pour pouvoir travailler dans le calme et l’harmonie. Elle transforme le dernier étage aux grandes poutres apparentes, en un vaste atelier. Les expositions se succèdent toujours. Les collectionneurs viennent l’été la rencontrer à la Borderie, au cours de fêtes qu’elle sait si bien organiser, comme pour les feux de la Saint-Jean. Invitée dans de nombreux Salons : Comparaisons, Indépendants, Salon d’automne.
En 1981, elle devient secrétaire générale du Salon du dessin et de la peinture à l’eau, qui a lieu au Grand Palais à Paris. En 1984, un hommage lui est rendu au Salon d’Automne ou elle expose vingt-quatre tableaux et deux tapisseries réalisées par les lissiers d’Aubusson. En 1985, sa nouvelle galerie, la galerie Valtat organise une grande exposition sur sa carrière.
La Thaïlande et l’Inde, ces deux derniers voyages, donne à sa palette un ton jaune et bleu. Ce sont les marchandes des klongs, les fermiers du Rajasthan, et toujours derrière les couleurs profondes, il y a les attitudes, les manières, les activités du petit peuple. La sérénité se dégage de ses toiles.
L’été 1989, le 29 août, sur un chemin de Guyenne, Eliane
Thiollier trouvera la mort, fauchée par une chauffarde.